Des mots sur des maux…

Paix

La paix ressentie se décline en de nombreux mots : paisible, serein, calme, réconforté, consolé… Qu’ils aient pu « accompagner jusqu’au dernier souffle » ou ait eu « la chance » de se « revoir une dernière fois » ou d’avoir pu « se dire au revoir », beaucoup l’expriment. D’ailleurs cette paix se lit  sur les visages tantôt graves, tantôt souriants. La mort rassure parfois : elle a pu « montrer qu’un cheminement magnifique est possible ». Des verbatim expriment donc des sentiments de « joie » ou de « bonheur ». Parfois grâce au sentiment du « devoir accompli », qu’il le soit par amitié ou pour honorer un lien de famille (nucléaire ou élargie). Certains découvrent après l’accompagnement d’un proche que la mort « les inquiète moins », semble « plus familière ». Même des morts brutales qui ont beaucoup déstabilisé peuvent aboutir à la paix, quand le chemin de deuil est accompli.

A l’inverse de rares personnes expriment un regret teinté de culpabilité, de n’avoir pu se rendre disponibles à temps.

Fragilité

La mort provoque une prise de conscience ou « un rappel » que nous sommes « fragiles » et « mortels ». D’où la volonté exprimée de vivre désormais chaque instant comme un cadeau précieux. Et aussi celle de ne « pas attendre » la fin de vie pour établir des relations « vraies ».  Derrière « un état de faiblesse extrême » d’un être cher « au seuil de la mort », on peut « se rendre compte de sa dignité ».

Ceux qui ont été pris au dépourvu par la mort d’un proche – même par suicide – veulent inviter les autres à vivre conscients de leur fragilité.

Intensité

Assurément, les moments d’accompagnement, d’annonce ou de deuil sont de ceux dont on se souviendra toujours. Ils sont « gravés dans la mémoire ». Des temps « forts », « très forts », « indescriptibles », « inoubliables ». Du coup, ils marquent les vies, en profondeur. Autour de la mort, se jouent les moments « parmi les plus importants de l’existence ». Aucunement des temps morts. Cela peut aller jusqu’à parler de « seconde naissance » ou « de moments radieux ».

Main

Ce sont des mains enlacées qui expriment le lien ultime entre un patient et ceux qui l’entourent. Quand le silence s’est fait. Quand d’autres formes de communication sont dépassées. La main, signe d’un besoin réciproque de tendresse. Il y a aussi l’échange des regards, où un dernier sourire qui illumine le souvenir.

Et les soignants de patients délaissés de se faire messager de ce besoin : il faut pouvoir « se tenir la main jusqu’au bout » et « oser », car c’est « cadeau ».

Larmes

Alors qu’on se montre pudique lorsqu’il s’agit d’évoquer le corps malade, un élément du corps jaillit furtivement au détour de quelques verbatim : les larmes. Expression du deuil. La mort révèle « leur signification », et même « de la valeur ».

Parfois ce fut une ultime communication consolatrice : « J’ai vu deux larmes couler, puis elle est partie ».

Présence

Les personnes se réjouissent simplement d’ « avoir été là ». Parfois « en silence ». Est-ce une façon de dire positivement ce que les adeptes de l’efficacité nommeraient impuissance ? Pas seulement : ils ont trouvé dans cette simplicité quelque chose de précieux. Une « plus grande humanité », « un nouveau mode de communication ».

A l’inverse, ne pas avoir été présent est, pour certains, source d’une peine qui se confie.

Merci

Les moments qui précèdent ou suivent la mort, même longtemps après, multiplient les occasions de gratitude. Elles s’expriment en nombreux merci : merci pour tout ce qui a été reçu et qui sera transmis ; merci aux soignants, à l’équipe de soins palliatifs. Et finalement merci au défunt que l’on « gardera dans son cœur ».

Rares sont les verbatim qui expriment un sentiment de rancœur, lié à une prise en charge jugée défaillante, surtout de la douleur. On en sort parfois « révolté ».

Rencontre

Le partage des moments au chevet d’un proche mais aussi tout ce qu’il faut faire ensemble après la mort sont valorisés comme des moments de rencontre précieux, « un privilège ». Les temps de maladie permettent parfois de « redécouvrir » un parent, le connaitre plus en profondeur. Et même, parfois, de « faire enfin sa connaissance », toutes les barrières étant tombées. Plusieurs verbatim associent le lâcher-prise permettant la mort après l’attente d’une rencontre enfin advenue.

Ne pas s’être dit « au revoir », c’est « la peine » de ceux qui ont enduré une mort brutale ; c’est aussi « le regret » exprimé par ceux qui ont attendu les obsèques pour « réaliser ».

Unité

Dans le deuil ou à l’approche du deuil, on se rapproche de frères ou sœurs éloignés, voire de sa belle-famille. On « se soude » on est « solidaire ». Les obsèques d’une grand-mère âgée vont jusqu’à « ressembler à une fête de famille. » Le plus souvent la mort rapproche, relie voire « réconcilie ». Pour plusieurs personnes, elle est occasion d’un pardon.

Exceptionnellement, elle divise et sépare douloureusement en faisant remonter de vieux conflits familiaux.

Transmission

Personne ne parle d’héritage ! Mais beaucoup évoquent la transmission de biens immatériels. On le déduit par les changements de vie que les décès provoquent. « La mort m’a fait changer » ; « je relativise » ;  « je suis moins futile, moins matérialiste ». La mort est source de « simplicité et de vérité » pour ceux qui restent. Ils ne veulent plus « s’arrêter aux broutilles ». La mort d’un proche peut « faire grandir » : un jeune en est sorti avec « de la maturité » ; un autre jeune a réalisé que, désormais, sa  santé « doit servir aux autres ». Une femme s’est sentie « recentrée sur les rapports affectifs ».

Amour

C’est le mot incontestable des verbatim. Celui qui revient le plus, et de loin, sous toutes ses déclinaisons. Comme si la mort provoquait en riposte un enseignement : « la fin de vie et la mort de ma sœur m’ont appris la force de l’amour » ; « j’ai dû attendre la mort de mon père pour me rendre compte de l’amour que j’avais pour lui ». « Il faut oser dire son amour ». L’amour pour le défunt est ce qui reste de plus précieux « dans les cœurs » quand tout est fini. On dit alors « le garder pour toujours ». Mais certains expliquent aussi que la mort leur a « appris à mieux aimer ». La mort, révélateur d’amour ?

Vie

D’assez nombreux jeunes affirment l’idée paradoxale que la conscience de la mort leur donne envie de « profiter de la vie »… sans y penser ! Des personnes endeuillées précisent qu’elle a changé leur façon de vivre : « vivre chaque instant, chaque rencontre plus intensément », avec parfois un regret : ne pas l’avoir fait avant d’être endeuillé. D’autres s’expriment par maximes : « La mort, c’est la vie », plusieurs fois, ou  « c’est la vie, jusqu’au bout ». « Il était plus vivant que mourant » nous confie un témoin… Autant de préceptes à tordre le cou à la fatalité. Comme ces autres : « La mort donne du prix à la vie » ; « La mort donne un sens à la vie » et même « Réussir sa mort, c’est réussir sa vie ».

A lire ces verbatim, sans rien nier de la douleur et de la peine, on se prend à croire que la vie a finalement le dernier mot.

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